Méthos

La natation fait partie des activités sportives les plus pratiquées par les français, avec la course, la marche et les activités de forme / gymnastique (source INJEP, 2020¹). La natation, c’est à dire l’acte de nager, de se mouvoir dans l’eau, se distingue de la natation sportive qui consiste elle à parcourir une distance le plus rapidement possible et dans un style qui est codifié par la Fédération Internationale de Natation. Alors que la première réunit un grand nombre d’adeptes de tous âges, la dernière, pourtant discipline phare des JO, ne comptait que 314 000 licenciés en 2019 (avant Covid)².

Une différence qui s’explique par la nature même des pratiques, compétitive dans un cas, libre, douce, thérapeutique voire méditative dans l’autre, des attributs qui correspondent à notre époque post covid dans laquelle la recherche de bien être prend plus de place.

La marque Nabaiji de Décathlon est aux avant postes de ces transformations sociétales, en France et ailleurs dans le monde, notamment en Chine où le marché de la natation est en plein essor porté par un nombre croissant de chinois qui veulent apprendre à nager. Nabaiji s’est adressé à Méthos pour comprendre les ressorts de ces évolutions. Quelles sont les promesses de la nage aujourd’hui pour les pratiquants? Que vivent ils? Que recherchent ils? Quels sont les effets sur les corps, les esprits, les sensations? Autant de sujets que nous sommes allés questionner dans les bassins de piscine, sur les plages ou aux bords de lacs, au contact de ceux qui aiment être dans l’eau.

Ethnography collaborative 

Notre immersion dans l’univers de la nage a porté sur une diversité de pratiquants et de pratiques: jeunes et moins jeunes, nouveaux et anciens nageurs, familles de baigneurs, nageurs solitaires, seniors adeptes de l’aquagym, triathlètes et nageurs en eau libre, dans plusieurs régions, urbaines et rurales (en France dans un premier temps, volet Chine à venir). Les équipes de Nabaiji étaient associées à chaque phase du projet pour qu’elles même vivent les expériences de terrain et que celles-ci enrichissent les moments de co construction lors d’ateliers réguliers que nous organisions à Hendaye (=siège de la marque).

Aristocratie des bassins

Si les imaginaires associés à la natation correspondent en général à ceux de la natation sportive, des corps sculptés et des JO, la pratique vue par les nageurs loisirs est tout autre. L’objectif n’est pas de progresser ni de s’améliorer techniquement, en vitesse ou en durée mais de se faire du bien, de se sentir bien. La natation sportive n’est pas perçue comme un idéal à atteindre: trop dur, trop de temps passé à faire des longueurs, un sport qui exige beaucoup d’abnégation et de sacrifices. Ces nageurs aux corps sculptés, sont tout de suite reconnaissables dans les bassins, ils forment un monde à part, une certaine élite que les nageurs loisirs n’ont pas forcément envie d'atteindre.


A l’inverse, les pratiquants de la nage loisir font le portrait d’un sport qui est plus démocratique et inclusif. Loin du culte du corps, la nage est en réalité pratiquée par des personnes aux corps et aux proportions très différentes, sans que cela soit vu comme une gêne ou une honte. Les personnes en surpoids par exemple apprécient de ne plus sentir le poids de leurs corps dans l’eau. De même, les personnes en situation de handicap ou en revalidation sont nombreuses à pratiquer la natation pour des raisons thérapeutiques.

Liberté chérie

Les pratiquants de nage mettent en avant le sentiment de liberté procuré par les corps dans l’eau, en mer ou en piscine. La liberté est une valeur cardinale de la nage. Les nageurs ont besoin d’autonomie et d’indépendance, ils veulent organiser leur temps comme ils l’entendent. Il est d’ailleurs intéressant de noter que s’ils pratiquent un autre sport, il s’agit souvent d’un sport individuel. Toute forme de contraintes est dès lors mal vécue ce qui est paradoxalement souvent le cas des piscines qui imposent tout un ensemble de règles, normes, horaires, interdits.

Par opposition, les imaginaires associés aux environnements de la nage en eau libre sont beaucoup plus attractifs: l’immensité, la liberté de mouvement, la rencontre avec les éléments et avec la nature. Pour autant que ceux attirés par la pratique de la nage en eau libre réussissent à surmonter un certain nombre de craintes (peur de l’inconnu, de la blessure, des courants, des animaux - la piscine est par contraste un environnement tout à fait contrôlé, propre et maîtrisé), ils découvrent un sport nouveau associé à l’exploration et à la découverte de soi et des éléments.

Il peut y avoir un effet miroir émotionnel quand je suis dans l'eau. Je viens rencontrer des angoisses que je n'aurais pas forcément croisées ce jour-là. (...) Je cherchais un peu ça en piscine mais le fait qu'il y ait du monde me gêne. Quand on est dans l'eau, on est avec soi-même.

Julie, 41 ans, Marseille.

Sociabilité liquide

Même si la nage est une activité individuelle, voire intérieure, l’envie d’être avec d’autres personnes est cependant toujours présente: aller nager avec un ou une amie ou à plusieurs. Toutefois, nager avec d’autres, c’est accepter d’être moins concentré sur sa propre pratique, sur sa propre séance, risquer de nager moins, de discuter plus, de s’attendre etc. ce qui pour beaucoup de nageurs est aussi une source de frustration. Socialiser et nager ne vont donc pas forcément de pair. Pour d’autres par contre, adeptes de l’aquabiking ou de l’aquagym par exemple, le collectif est une condition sine qua non à la pratique: le fait de retrouver des amis et d’autres membres du cours chaque semaine, pour autant que la liberté et les choix individuels aient toujours la primauté. Il s’agit de cours que l’on décide de rejoindre ou non, rien d’obligatoire ni de contraignant.

Pour les nageurs en eau libre, le groupe est aussi important; ils se réunissent pour nager en mer ou dans des lacs, se motivent et se soutiennent les uns les autres. Les groupes sont ouverts, n’ont pas de frontières définies - se joint qui veut - formant une constellation de liens dits “faibles” (amis d’amis, collègues, voisins) et s’organisant via les réseaux sociaux: une forme de sociabilité liquide (sans contrainte) mais néanmoins présente et appréciée et pour certains même, condition de la pratique.

Pour d’autres, la nage n’est pas affaire de sociabilité à l’image d’Eric (les prénoms ont été modifiés) 47 ans, vivant sur les hauteurs de Marseille et qui, lorsque l’envie lui prend, “descend” à l’Escalette avec sa canne à pêche et ses palmes. Il peut y rester toute la nuit, alternant moments de nage et moments de pêche, faisant griller le poisson qu’il aura attrapé, ou s’offrant une sieste en se laissant dériver dans la mer sur le dos. Il y a quelque temps, Eric avait fait même la connaissance d’une murène, qu’il allait nourrir régulièrement au large. Hédoniste et amoureux de la mer, ça peut être aussi ça le rapport à l’eau et à la nage.

A écouter: des portraits de nageurs (série de podcasts)

À écouter:
• Série de podcasts: des portraits de nageurs

Autres ressources:
• Recherches préliminaires: la nage dans les cultures de l’Antiquité à aujourd’hui. Document draft
• Inspirations: https://www.flothetta.com / http://transit-city.blogspot.com/2022/04/et-si-le-seatrekker-devenait-le-trailer.html 

¹ https://injep.fr/wp-content/uploads/2020/11/Chiffres-cles-sport-2020.pdf
² https://renovons-le-sport-francais.com/barometre-federation-francaise-de-natation/